Contre Houcine Arfa, l’offensive repart de Madagascar. Quatre personnes dont l’ancienne ministre de la Justice et l’actuelle Procureure de la République, ont porté plainte, en France, contre l’ancien responsable de la sécurité du Président “Hery”. Il avait affirmé avoir soudoyé une partie de la Justice malgache pour s‘évader, en décembre 2017. Pour les Nouvelles, il dévoile de nouveaux détails sur son évasion.
Quatre personnes ont porté plainte en diffamation contre Houcine Arfa, évadé le 28 décembre 2017.
- Mme Hary Sahondra Rabodomalala Rasoanaivo, directrice de l’administration pénitentiaire de Tananarive au moment de l’évasion
- Mme Odette Balisama, actuelle procureure de la République
- Mme Elise Rasolo Alexandrine, ancienne ministre de la Justice
- M. Andranaina Rabarisoa, ancien directeur de cabinet de la ministre de la Justice
Tous ont été mis en cause par Houcine Arfa dans un article du journal français le Parisien, du 15 janvier 2018. “J’ai versé 70 000 euros à la Ministre de la justice, 30 000 euros au procureur en charge de mon dossier”, déclarait-il. Il affirmait aussi avoir payé le directeur de cabinet de la ministre et la directrice régionale pénitentiaire. Ces allégations ont ensuite été reprises dans plusieurs médias dont RFI. Les journaux ne sont pas poursuivis.
L’avocate d’Houcine Arfa, Me Jouida, appuie son client : “Je n’ai pas de doute sur la véracité des faits de corruption exposés par M Arfa. Je ne peux pas concevoir qu’il soit sorti de prison sans une aide extérieure puissante. Il a visé la procureure et la ministre. Il n’avait pas d’intérêt à dénoncer injustement des gens. Après tout, il aurait pu reprendre sa vie en France et ne rien dire.”
En face, les quatre personnes sont défendues par Me Jean-François Davené et Me Nathalie Schmelck. Cette dernière répond aux allégations d’Houcine Arfa : “Nous n’aurions pas déposé plainte si nous pensions que les affirmations de M. Arfa étaient vraies. Un procès en diffamation est toujours compliqué à remporter, car il y a la notion de bonne foi. Alors quand on lance une telle procédure, c’est qu’on est certain, sur le fond et sur la matérialité des faits, d’avoir raison.”
La Justice tranchera. En attendant, pour les Nouvelles, Houcine Arfa livre de nouveaux détails sur son évasion : “Grâce à ces pots-de-vin, j’ai été transféré de la maison de force de Tsiafahy vers la prison d’Antanimora. Et puis, on m’a mis à Maputo, le quartier de basse sécurité. Comment tu expliques ça, toi ? Pourquoi l’homme le plus surveillé de Madagascar arrive à sortir de Tsiafahy puis du coeur d’Antanimora ? Pourquoi me mettre là, à Maputo, alors qu’il n’y a qu’un gardien, et que j’aurais pu le neutraliser en trois secondes ? De Maputo, j’ai pu sortir sans être vu…”
Il ajoute, amusé : ”Je me demande surtout comme ces gens peuvent se payer des avocats aussi chers, en France, avec leur salaire de Madagascar.” Les honoraires des avocats sont libres. Le montant peut donc aller de zéro à 30 000 euros par exemple. Espérons que la facture finale reste abordable pour des salaires de fonctionnaires, bien loin de telles sommes…
Ces plaintes en diffamation viennent épaissir d’une couche le feuilleton judiciaire autour de l’arrestation, de l’emprisonnement, de la “torture” et de l’évasion d’Houcine Arfa. Le Français est toujours sous le coup d’une plainte de la Justice malgache, en France, pour s’être évadé. Et il a aussi porté plainte, à Madagascar, contre l’ancien Président “Hery”…
Le point sur la procédure
Il s’agit de plaintes avec constitution de partie civile. Houcine Arfa est donc poursuivi au pénal et au civil en même temps. La diffamation, en droit français, est régie par l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881. “Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation.” Mais si la personne attaquée apporte la preuve de la vérité du fait imputée de diffamation, elle est relaxée. La personne peut aussi prouver sa bonne foi, une notion plus subjective.
“Même si nous n’avons pas la preuve formelle de la corruption, la conviction du juge peut-être aussi emportée par un faisceau d’indices”, explique Me Jouida. De son côté, Me Schmelck ajoute : “J’attends l’offre de preuve éventuelle, à laquelle on peut répondre par une offre de contre preuve. Mais un acte positif est toujours plus facile à prouver qu’un acte négatif.”
Les procédures n’en sont encore qu’au début. Les premières plaidoiries ne devraient pas se tenir avant la fin 2020.
Jao Tsitintry