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Affaire FLAMCO – Madagascar victime d’une arnaque à l’humanitaire. 3 millions de dollars du FMI s’évaporent après un passage par le Liechtenstein. – Libération du 2 février 1996

Instruite dans la plus grande discrétion à Nice, une banale affaire

d’escroquerie est en train de tourner au scandale d’Etat à Madagascar. Depuis plus d’un an, les autorités de la grande île de l’océan Indien tentent de récupérer 3 millions de dollars, une fortune pour les finances d’un pays parmi les plus pauvres de la planète. Avancée par le FMI et versée à une société du Liechtenstein, cette somme devait revenir très vite dans le pays après avoir servi de garantie pour une pseudo-opération humanitaire. Mais à la suite d’un imbroglio judiciaire l’opposant à l’homme d’affaires franco-libanais Anthony Tannouri, la société basée à Vaduz n’a toujours pas honoré ses promesses, et Madagascar est pour l’instant privé d’aides internationales.

Le 29 mai 1994, au cours d’une conférence de presse tenue à Antananarivo, le président de la République Albert Zafy avait donné sa bénédiction au contrat signé deux jours plus tôt entre une société malgache privée, la Somacodis, aidée par la banque d’Etat Bankin’Ny Tantsaha Mpamokarra(BTM), avec la Flamco Aktien Gesellschaft (AG) domiciliée à Vaduz. Objet: l’importation, entre autres denrées, de 60.000 tonnes de riz, rendue nécessaire après les ravages causés début 1994 par un cyclone Géralda. Les deux parties s’étaient connues grâce à divers intermédiaires, notamment, à Paris, un inspecteur divisionnaire de la police judiciaire président des amitiés franco-malgaches. Les intentions avouées de Flamco AG se voulaient originales puisque son président déclaré, un certain Raymond Morel, pseudonyme cachant un homme d’affaires douteux, s’engageait à acheter, puis à livrer, riz, huile ou lait en poudre à des prix bien inférieurs à ceux du marché. «Nous sommes des chrétiens, nous croyons en Dieu, on est venu pour un but charitable, pour aider Madagascar, de façon bénévole;», expliquait-il au cours d ‘une conférence de presse. Afin de garantir les commandes, Flamco réclamait une caution de 3.275.000 dollars tout en s’engageant à «les restituer impérativement dans un délai maximum de huit jours». Pas un des responsables malgaches ne semblait alors douter de la bonne foi de Morel et du coprésident de Flamco AG présent à ses côtés, le prince Constantin de Liechtenstein, 84 ans, oncle du prince régnant Adam III.

Aujourd’hui la BTM court toujours derrière ses fonds et vient de saisir Jean-Jacques Zirnelt, le procureur de la République de Nice. Le choix de la cité azuréenne pour engager des poursuites contre Flamco a été dicté par les explications qu’avance la société de Vaduz pour justifier son retard: tout le problème, selon elle, viendrait du célèbre Anthony Tannouri, le financier franco-libanais installé à Cap-d’Ail (à côté de Monaco)qui, dans le cadre d’un autre marché, doit précisément à Flamco une somme très exactement identique. En octobre 1994 la société a porté plainte contre lui et Tannouri s’est retrouvé derrière les barreaux de la prison de Nice pendant près de huit mois. Il en est sorti en juillet 1995. Mais le conflit qui l’oppose à Morel ­ et dont les Malgaches font actuellement les frais ­ comporte bien des zones d’ombre que le magistrat niçois, chargé du dossier, n’a pas encore éclaircies.

Intime du colonel Kadhafi, super-VRP des riches familles libyennes depuis près de vingt ans, Tannouri dit avoir croisé la route de Flamco début 1994 à l’occasion des tentatives de sauvetage du quotidien helvétique la Suisse que possédait un de ses amis, Jean-Claude Nicole. «Ce dernier avait sollicité mon avis sur des repreneurs, il s’agissait de Morel et de son associé Jean Henri Sontag, c’est ainsi que je les ai connus», raconte Tannouri.

A la même époque, celui que l’on surnomme Anthony le Magnifique doit écouler près de 32 tonnes d’or, stockées en zone franche à Londres. Marché potentiel: au bas mot 750 millions de dollars. Tannouri refuse de dévoiler l’identité de ses commanditaires, mais dans le cercle fermé des affaires, c’est un secret de polichinelle: les Libyens se font payer en métal précieux leurs ventes illégales de pétrole réalisées malgré l’embargo frappant le pays. Morel est intéressé. Le 18 mai 1994, Flamco AG passe contrat avec le holding fribourgeois, Zatam, présidé par Tannouri et qui abrite en fait les intérêts de deux hauts personnages de l’État libyen. Début juin, il reçoit une avance de 3.200.000 dollars sur son compte du Crédit suisse à Genève. Dans l’intervalle, la banque de Flamco, la BVP de Vaduz, a encaissé le virement des Malgaches et l’aurait utilisé comme paiement de l’avance virée à Tannouri. Le Franco-Libanais pouvait-il ignorer la provenance des fonds? «Bien sûr que je l’ignorais, je ne suis pas concerné par cette affaire avec les Malgaches», affirme-t-il. Puis brusquement Tannouri annule tout et bloque la livraison des premiers lingots.

Tardivement, après signature du contrat, ses commanditaires auraient découvert la véritable identité de Morel. Né à Grenoble, il se nomme en réalité Rudolphe Lep et possède un casier judiciaire déjà chargé. Au mois d’avril 1994, lui et Sontag ont effectué un bref séjour dans une prison suisse avant d’être libérés contre une caution de 400.000 francs. Selon la presse locale, ils seraient impliqués dans un vaste réseau de blanchiment des narcodollars de la mafia turque. Le juge de Genève Paul Perraudin, un spécialiste des dossiers de corruption, les piste. Les Libyens, si l’on en croit Tannouri, ne veulent pas s’afficher avec de tels partenaires. Le 30 juillet, tout le monde se retrouve à Cap-d’Ail dans son palais rococo, La Colombe, qui domine la mer. La main sur le coeur, Tannouri jure s’être comporté en gentleman du business: «J’ai signé un billet à ordre à Flamco afin de leur rembourser leur avance, mais, pour des raisons que j’ignore, ils ne l’ont jamais mis à encaissement.» Les avocats de Flamco prétendent le contraire, et il faudra la prison pour convaincre le financier de signer un protocole où il s’engage à restituer l’argent en plusieurs versements.

Une société du Luxembourg ­ dont l’avocat n’est autre que l’ancien député PS Michel Pezet ­ se porte caution. Depuis, l’affaire traîne et les deux parties se renvoient régulièrement la responsabilité. On négocie, paraît-il, de nouveaux protocoles dans les cabinets des avocats. Bien qu’il s’en défende, Tannouri n’a plus ses appuis d’antan. Les Libyens lui ont ôté la présidence d’Oil Invest et Tamoil. En France ses amitiés anciennes avec Jacques Chirac et Jacques Toubon ne lui ont pas évité la prison. Il se dit encore tout-puissant. On murmure qu’il est ruiné. Pourtant, son savoir-faire exceptionnel sur le marché du pétrole attire encore beaucoup de monde autour de lui. Et peut-être aussi de l’argent. Les Malgaches prient quotidiennement pour qu’il en soit ainsi.

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